La police du futur

De la surveillance généralisée à l’autocontrôle (Article pour la revue Le Crieur)

Mathieu Rigouste - 6 décembre 2023

Robots autonomes, officiers connectés, reconnaissance génomique… l’innovation dans les équipements et moyens mis au service de la police ne semble pas connaître de limites. États et entreprises privées avancent main dans la main, développant un arsenal sécuritaire hypertechnologique, dans le cadre d’un marché mondialisé en forte croissance. Ces nouveaux dispositifs directement calqués sur le matériel militaire brillent d’ailleurs davantage par les bénéfices qu’ils permettent d’engranger que par leur efficacité réelle et leur infaillibilité technique. Ils sont toutefois rendus acceptables – voire désirables – aux yeux des populations par le biais d’une novlangue publicitaire et d’un marketing particulièrement soignés. La « police du futur » ouvre des perspectives orwelliennes : il ne s’agit pas seulement d’« optimiser » les équipements et les méthodes des forces de l’ordre, mais bien de poser les jalons d’un véritable panoptique policier qui a pour objectif d’aboutir à l’autocontrôle des populations.

Appareil d’État chargé de maintenir l’ordre social, la police n’est pas un corps homogène. En son sein s’affrontent et collaborent des fractions politiques, économiques et idéologiques. À la fois machine répressive et productive de subjectivités, elle quadrille la vie quotidienne tout en participant à la fabriquer.

Depuis que le contrôle est devenu un véritable marché au cours du xxe siècle, des institutions et des industries collaborent en permanence en vue de produire ce qu’elles appellent la « police du futur ». Problématique centrale pour la reproduction des États, c’est aussi un mythe politique et un slogan publicitaire qui vante toute sorte de produits, des armes et des technologies jusqu’aux doctrines et schémas de pensée, en passant par les équipements et les formations pratiques. Parmi la masse de ces innovations, on trouve « beaucoup de bullshit  » [1]. De nombreux dispositifs ne sont jamais adoptés parce qu’ils ne peuvent s’intégrer à l’arsenal déjà existant ou ne remplissent pas les objectifs attendus. La plupart doivent être profondément transformés une fois expérimentés par les institutions. En analysant le cas français à travers les grandes tendances internationales, on peut décrire ce qui est en cours de restructuration et d’expérimentation, ce qui est en phase de recherche et développement et ce qui n’existe que dans l’ordre des idées et de la fiction.

De quoi la « police du futur » est-elle le nom ?

Comme l’armée, la police pense et est pensée par l’État en collaboration avec les industriels. L’actuel ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb saluait ainsi, à l’occasion de l’inauguration du salon mondial Milipol consacré à la « sécurité intérieure des États », la « capacité d’innovation » et la « croissance extraordinaire » des industries sécuritaires en novembre 2017. Avec plus de mille exposants et trente mille visiteurs, le succès de ce salon a montré que ce marché global se porte mieux que jamais. L’État souhaite d’ailleurs doubler le chiffre d’affaires du secteur à l’horizon 2025, s’attribuant « un rôle essentiel […] pour impulser, pour susciter, pour accompagner la montée en gamme de tous les acteurs »  [2].

La conception et l’orientation des polices du futur sont élaborées par un reseau de forges idéologiques mêlant intérêts étatiques et privés.Z L’Institut national des hautes études de sécurité et de la justice (INHESJ) constitue un laboratoire de production de nouveaux savoirs sécuritaires. Créé en 1989, il réunit des cadres français et étrangers issus de tous les secteurs publics et privés « de sécurité » afin de produire des rapports utilisables par l’État et les entreprises. Depuis 2012, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) favorise le développement des nouvelles « activités de sécurité » en délivrant les autorisations aux entreprises. Le Comité de filière industrielle de sécurité (Cofis) est pour sa part chargé depuis 2013 d’impulser les échanges entre public et privé. L’État s’est aussi doté en janvier 2014 d’un Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi) qui constitue l’interlocuteur unique des fournisseurs sur près de six cents marchés de « modernisation », avec pour objectifs la « rationalisation logistique » et l’« optimisation des achats » sur le modèle des « méthodes japonaises »  [3].

Depuis janvier 2017, un Délégué ministériel aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces (Dmisc) est chargé de « consolider la croissance de la filière de sécurité en termes d’exportation et d’emploi », en faisant « travailler ensemble des grands groupes, des ETI, des PME, des start-up, des laboratoires de recherche universitaires, des pôles de compétitivité  [4]. La transformation policière est moins orientée par une doctrine univoque que par un cadre doctrinal polarisé à la fois par la recherche de puissance et de stabilité au service de l’État et par la croissance et la rentabilité des entreprises nationales.

Un supermarché mondial

Revendiquant un taux de croissance annuel de près de 7 %  [5], le marché international de la sécurité est rythmé et propulsé par des séries de conférences et de salons internationaux qui mettent en scène les acteurs et leurs produits. Les États y sont omniprésents. Le salon Milipol est emblématique de la marchandisation sécuritaire : organisé à Paris depuis 1984 en partenariat avec les forces de l’ordre françaises et le ministère de l’Économie, il est la propriété d’un groupement de grandes entreprises « de défense et de sécurité » dirigé par un préfet. Fin novembre 2017, le salon parisien a accueilli plusieurs dizaines de milliers de visiteurs venus de cent cinquante et un pays et près de milles exposants. L’événement réunit militaires, policiers nationaux et municipaux, gendarmes, agents de sécurité et combattants privés, industriels, hommes d’États et politiciens de tous bords, ingénieurs ainsi que journalistes et chercheurs. C’est un lieu de rencontre privilégié pour repérer les nouvelles tendances, signer des contrats, mais aussi présenter des prototypes aux « utilisateurs finaux ». Les entreprises recueillent ainsi des idées et des « besoins » et, en parallèle, tentent de créer de la « demande » en sucitant les désirs de dotation en nouveaux matériels. Milipol sert ainsi de vitrine, de laboratoire et d’accélérateur de l’innovation policière dans des domaines allant de la « gestion des risques » à la police technique et scientifique, du « maintien de l’ordre » à la lutte contre les « trafics organisés », de la « sécurité urbaine » à l’antiterrorisme… Ce supermarché des polices du futur assume sa prétention à cibler toutes les dimensions de la vie sociale et individuelle, des plus globales aux plus intimes, « afin d’assurer la sécurité des citoyens ». Il masque par la même occasion les impacts réels des usages de ces marchandises sur les conditions de vie des peuples.

Une bureaucratie de marché

À l’initiative d’États ou d’entreprises, les polices du futur sont de moins en moins fabriquées par des industries strictement publiques : des géants industriels mixtes et des firmes complètement privées prennent le relais. Dans l’objectif de collaborer avec les États, les industries privées et mixtes mettent en œuvre des stratégies de « recherche et développement » multiples. Selon un schéma classique, officiel et direct, dit « up-bottom » (de haut en bas), elles répondent aux appels d’offres de commanditaires institutionnels. Mais la plupart utilisent parallèlement des schémas indirects, informels ou officieux dits « bottom-up » (du bas vers le haut) de façon à profiter de contacts réguliers avec des « utilisateurs finaux ». Ces deux logiques sont poreuses et chaque firme tente de les conjuguer en vue de s’aménager des contacts réguliers avec chaque échelon. « Si on rate un maillon de la chaîne, on risque d’être à côté de la plaque* », assure un communicant de Rivolier, distributeur de matériels « de défense et de sécurité ».

Le ministère de l’Intérieur est le commanditaire des nouveaux casques de police développés par l’entreprise ComuFrance, mais la firme a appris à rechercher « des besoins spécifiques qui viennent de l’utilisateur et remontent via les filières soit syndicales, soit hiérarchiques* » afin de transformer les désirs des agents de police en stratégies d’acquisition. Le groupe M2M Factory, spécialisé dans la vidéosurveillance, collabore quotidiennement avec un réseau d’agents des services de renseignement dont certains participent sans doute comme conseillers à l’entreprise elle-même. « C’est des choses qui se font, mais on n’en parle pas trop. […] Nous, le contact avec l’utilisateur se fait plutôt sur le terrain, parce qu’il y a des choses qui se disent sur le terrain et pas au salon* » précise le dirigeant, qui reconnaît que le procédé est « assez informel ». Cette stratégie s’articule à l’approche transversale par les salons qui « permet aussi de voir les autres industriels, de voir les nouveautés [des] partenaires, pour les intégrer dans [les] systèmes ». La firme Verney-Carron, qui fournit notamment les flash-balls de la police nationale française, se sert du salon Milipol comme « laboratoire d’usages ». Elle a engagé l’agence Novam, spécialisée en « innovation et développement de produits et services », qui invite les visiteurs à prendre en main les nouveaux prototypes. « On pose un certain nombre de questions aux utilisateurs pour savoir ce qu’il leur manquerait » précisent les « designers produits ». « L’idée est de projeter les gens sur l’arme idéale*. »

Les géants industriels profitent de leurs partenariats et clients historiques. Thales  [6] travaille « main dans la main avec l’État* » explique une responsable commerciale. Nexter, groupe industriel militaire détenu en partie par l’État français, développe le Titus, un véhicule blindé « à la base destiné aux forces armées classiques » et qu’il a décliné dans une version policière afin de le vendre au ministère de l’Intérieur. Dans ce but, il le fait évaluer par les unités spéciales du Raid, groupe d’élite de la police française. « Notre intérêt c’est de vendre au Raid, et pas seulement au Raid, et eux nous apportent l’expérience dont on manque* » rapporte un communicant.

Le Gicat, Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres, a mis en place un système de « rétroplannings de recherche » pour contourner le principe de l’« achat sur étagère » : « Un agenda de rencontres, des groupes de travail ad hoc, qui sont créés sur des thématiques (policier du futur, big data, cybersécurité…) où les gens se rencontrent. » Ces groupes fonctionnent en amont des décideurs institutionnels et réunissent des « opérateurs de terrain », des industriels, des chercheurs, des universitaires. « On mouline tout ça et, quand on a une solution, ça part vers les niveaux hiérarchiques, qui décident oui ou non* », explique François Mattens, le directeur de la communication et des affaires publiques.

Loin des fictions néolibérales sur la libre concurrence du marché, les géants industriels semi-publics illustrent la « consanguinité » de l’État et des grandes entreprises françaises de défense et de sécurité  [7]. Structurée par des rapports de forces, de privilèges et de favoritismes, la fabrication des polices du futur se concentre sur la production de nouveaux désirs de contrôle.

Police robotique et intelligence artificielle

En acquérant de l’autonomie, en développant des capteurs d’informations et de meilleurs algorithmes, les robots et drones sont conçus pour de nouveaux usages policiers. Composée d’anciens militaires, la firme Azur Drones développe un système combinant un drone à voilure fixe couvrant de grandes étendues, un drone captif filaire muni d’une caméra puissante et un microdrone « pour la levée de doutes et la rapidité d’intervention  [8] ». En France, les robots de sécurité sont encore cantonnés à la surveillance de périmètres sans public. Ils « font peur aux humains* » déplore-t-on chez TBC-France, fabricant de robots autonomes de surveillance et d’intervention qui cherche à les rendre plus acceptables aux yeux de la société civile. L’utilisation de robots policiers évolue aussi en fonction des législations nationales et internationales et notamment de leur responsabilité pénale. Alors que la mise en œuvre de robots armés autonomes dans le monde militaire se confronte à des polémiques et à des résistances de la société civile, le domaine policier réfléchit aux moyens de légitimer l’armement des robots de contrôle. Nexter vise le marché policier français en couplant son véhicule blindé Titus avec des petits robots modulaires, sur lesquels peuvent être installés des systèmes d’observation et des capteurs, en attendant de pouvoir les armer. Des déclinaisons dotées d’« armements intermédiaires » ont déjà vu le jour en 2016, au Dakota du Nord, lorsque le législateur a autorisé la police à installer des sprays lacrymogènes, des pistolets à impulsion électrique et des lanceurs de balles de défense sur ses drones. Les drones terrestres Dogo UGV de l’entreprise israélienne General Robotics, en dotation dans des unités policières nord-américaines, peuvent même être équipés d’un pistolet Glock 9 mm I [9].

Dubaï est à la fois un laboratoire et une vitrine mondiale du secteur. Des robots policiers d’un mètre quatre-vingt pouvant se déplacer à trente kilomètres heure y font, depuis mai 2017, office de commissariats mobiles auprès desquels porter plainte ou payer des amendes  [10]. On y teste des voitures autonomes munies de caméras intelligentes et capables de déployer leur propre drone à la poursuite d’un individu. Dans cette ville émiratie ultramoderne, il est prévu de remplacer un quart des policiers par des robots d’ici 2030. Le secteur robotique se déploie en puisant dans la science-fiction en vue de développer des matériels désirables. Le designer Charles Bombardier a présenté Metropolis, fine roue robotisée dotée d’un visage en hologramme inspiré du film de science-fiction américain Tron (1982). Programmé pour contrôler les personnes, le dispositif serait capable d’identifier les émotions par l’analyse des pulsations cardiaques et le taux d’humidité de la peau. Le déploiement de l’intelligence artificielle fait aussi émerger des formes de « lieux robots », autonomes dans la détection d’intrusions, le contrôle d’accès ou la gestion des ouvrants (portes, clôtures…). à l’instar de la plupart des machines, en pratique, les robots sont loin de correspondre au principe d’infaillibilité mis en avant par les industriels. Le robot « suicidé » dans une fontaine aux États-Unis en juillet 2017 ou le logiciel Louvois qui a paralysé le paiement des soldats français constituent des cas d’école. Pourquoi les polices robotiques échapperaient-elles à ces problématiques ?

Prolifération des armes et moyens « intermédiaires »

Légitimés comme « non létaux », « sublétaux » ou encore « intermédiaires », les systèmes d’armes censés ne pas tuer mobilisent de larges secteurs de la fabrication des polices du futur. « C’est juste de la communication* », reconnaît le patron de Verney-Carron au sujet de sa nouvelle catégorie d’armements dite « à létalité atténuée ». Des machines employant le son ou les rayonnements électromagnétiques sont déjà employées par les polices et les armées de plusieurs pays. Le LRAD (Long-Range Acoustic Device), dont l’intensité acoustique contraint les corps et peut déchirer le tympan, a été utilisé au G20 de Pittsburgh en 2009 puis déployé par la police de New York en 2014 durant les manifestations en soutien à Eric Garner  [11]. Le Shophar, développé en Israël et employé en 2005 dans la bande de Gaza, diffuse des infrasons qui rendent incapable de conserver l’équilibre. Selon les revues spécialisées, dans quelques années, ces dispositifs intégrant des nanotechnologies pourront être portatifs et installés directement sur des véhicules. D’autres armes intermédiaires employant laser et plasma sont en cours de développement. Une arme nommée Dazzler produit un laser qui peut « incapaciter » un être humain à cinq cents mètres. Employée par les soldats états-uniens, son usage par certains policiers est autorisé depuis 2012 dans le cadre de la « guerre contre les drogues ». Comme celles qui les ont précédées, les nouvelles armes « intermédiaires » entretiendront sans doute des écarts considérables entre leur prétention à ne pas tuer et leurs usages réels.

Hybridation militaro-policière

Certaines armes de guerre passent directement dans le domaine policier en ajustant les règlements d’usages, comme les fusils d’assaut dont les forces de l’ordre françaises sont équipées depuis quelques années. Suivant la globalisation des doctrines de « guerre urbaine de basse intensité », de nouveaux véhicules de police sont dérivés de modèles « de défense » en développant leur modularité. Selon le « niveau d’engagement », il devient possible d’adapter le blindage et de les équiper de grillages de protection, de canons à eau, à colorants, à mousses, à gaz lacrymogènes, de lances latérales, de différents types de sirènes, de projecteurs, de caméras, de capteurs thermiques, de plateformes et d’échelles d’assaut, de barricades antiémeutes robotisées ou de canons à son… Dans l’équipement aussi, des produits modulables développés à l’origine pour les forces spéciales se généralisent. Les uniformes doivent pouvoir accueillir des magasins de munitions, des systèmes de communications, des batteries… Le développement de nouvelles fibres encore plus légères et solidides que le Kevlar permettrait de concevoir des « body armour » et des « ballistic T-shirt » ultra-légers et résistants.

La montée en puissance des forces spéciales et des technologies militaro-policières affecte les sociétés de contrôle dans leur ensemble. L’entreprise Rivolier évoque des « passerelles naturelles » entre marchés de défense et de sécurité : « On est face à des produits développés il y a une vingtaine d’années pour les forces spéciales et qui aujourd’hui ont des applications non seulement dans le monde de la sécurité intérieure mais aussi des loisirs (chasse, observation ornithologique…)*. » En France, un « Commandement des opérations spéciales » du ministère de l’Intérieur est même à l’étude. Calqué sur son homologue militaire, il sera a priori aussi sous autorité directe de l’exécutif  [12], mais sa forme réelle s’éloignera sans doute du modèle original, à l’image de la plupart des processus de militarisation qui consistent moins à remplacer du policier par du militaire qu’à forger de nouveaux dispositifs hybrides.

Le policier connecté et augmenté

« L’avenir de la police, c’est le gendarme et le policier connectés » déclarait le ministre français de l’Intérieur à Milipol. Le mouvement a été amorcé par l’achat de cent quinze mille tablettes et smartphones ainsi que de dix mille caméras-piétons, et l’annonce de la mise en place de systèmes de lecture automatique des plaques d’immatriculation, de drones, microdrones et nanodrones. Les industriels sont directement associés à ces programmes. « La police du futur, c’est un peu comme l’armée du futur, c’est une police connectée* » affirme à son tour le responsable communication de Nexter. « L’information reste le nerf de la guerre », précise-t-il. Selon Thales, l’« avenir de la police » c’est aussi la « connectivité » articulée avec le « traitement de données en temps réel, le big data, l’intelligence artificielle, les interfaces homme-machine, la cybersécurité ». La firme a ainsi conçu un système de produits nommé « connected officer », associé à un « véhicule de police du futur ». Selon elle, le ministère de l’Intérieur serait « très intéressé * ».

Le « policier connecté » préfigure sans doute le « policier augmenté », encore au stade de la recherche. Grégory Frutos, capitaine de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, invite ainsi à « proposer, imaginer et anticiper des augmentations de nature technique, médicale et humaine [13] ». Il suggère des augmentations déjà disponibles : lunettes de vision nocturne, drones téléopérés ou utilisation de Guronzan contre la fatigue. Il évoque des « augmentations en développement » : dispositifs de marquage « invisible », type encre détectable aux UV, « afin de tirer à moyenne portée sur les casseurs », et amélioration des tenues (anti-incendie/anti-lacérations). À propos des « augmentations futures envisageables », il décrit des dispositifs de vision thermique et nocturne, des détecteurs de présence et de mouvements, ainsi que le projet de « numérisation des opérations » sur le modèle du programme militaire Félin (Fantassin à équipements et liaisons intégrées) « afin d’instantanéiser les échanges d’informations » entre pelotons. Ces forces de l’ordre augmentées pourraient être dotées d’exosquelettes et associées à des drones aériens et terrestres « intelligents » grâce à des casques à réalité augmentée. Elles pourraient également recevoir des « injections », des « cachets pour renforcer les capacités auditives » et, « grâce » aux nanotechnologies, subir un « traitement permanent » pour renforcer leurs performances. La mise en œuvre des polices du futur implique ainsi la restructuration des doctrines d’emploi des forces et des tactiques, domaines où il n’est toujours pas prévu que l’intelligence artificielle remplace les subjectivités humaines.

La Safe and Smart City

Le marché mondial des Smart Cities constitue l’un des grands chantiers de la transformation policière. Le concept a émergé au début des années 2000 comme projet de gestion numérique centralisée de l’espace public : réseaux de transport, éclairage, circulation, pollution et bien sûr systèmes de sécurité, dont l’enrobage publicitaire est assuré par la dénomination de Safe City. Un rapport de la Cnil dénonce ce programme de ville « pilotée depuis un unique tableau de bord, avec l’algorithme comme grand ordonnateur », « un système centralisé qui risque de laminer un certain nombre de libertés »  [14]. La Safe and Smart City désigne à la fois un programme, un mythe politique et une plateforme publicitaire où l’habitant est mis au centre de façon à « envisager ses habitudes et comportements comme autant d’informations à gérer ou de problèmes à résoudre »  [15]. « Notre cœur de métier c’est la Safe City et notre idée c’est de dire que les technologies ne vont pas se substituer à l’humain. On n’est pas dans une logique du tout numérique, tout robotique, l’humain reste au cœur de l’opération* », insiste le directeur de la communication du Gicat.

La Safe and Smart City s’apparente à une gestion de flux d’informations, de marchandises, de risques et de populations. Laurent Denizot, chargé de la Safe City au Conseil des industriels de la confiance et de la sécurité (CICS), développe l’idée de conjuguer ces flux à travers un « continuum numérique permanent  [16] ». La filière française des industries de sécurité est regroupée autour du développement des Safe Cities depuis 2014 sous l’impulsion de l’État. Paris et Nice servent de « démonstrateurs » d’une « plateforme connectée de sécurité du quotidien », tandis que Marseille constitue un grand terrain d’expérimentation avec le projet d’en faire la « première Safe City du continent »  [17]. Le vaste réseau de vidéosurveillance marseillais devrait être centralisé au sein d’un Centre de supervision urbain (CSU) développé par Engie Ineo. « L’ensemble des données recueillies par les caméras a vocation à alimenter un big data de la tranquillité publique […] afin de fournir aux forces de l’ordre une aide à la décision, voire dans certains cas une capacité prédictive », explique Caroline Pozmentier, la maire adjointe à la sécurité publique de Marseille [18]. Des dizaines de Safe and Smart Cities existent déjà en Chine ou dans la péninsule Arabique. On y observe des régimes de concurrence entre centres de décision multiples et réticulaires plutôt qu’une forme de gouvernement type Big Brother gérant la ville de manière infaillible  [19].

Le panoptique policier

À la manière du panoptique carcéral étudié par Michel Foucault  [20], le fantasme d’un pouvoir capable de tout voir et de le faire savoir de manière à générer de l’autocontrôle se déploie désormais dans les domaines policiers. Il passe notamment par la multiplication des polices de « proximité », des pratiques de « rondes », des « quadrillages » et de tous les dispositifs d’occupation du territoire par l’exhibition des uniformes et l’infiltration d’unités en civil.

Ce mouvement est aussi propulsé par la multiplication de nouveaux systèmes de vidéosurveillance « intelligents » comme celui que développe l’entreprise Axon-Taser. Elle promeut l’articulation de caméras-piétons fixées directement sur les uniformes des policiers, de caméras-véhicules et de caméras dans les salles d’interrogatoires des commissariats. La firme justifie cette superposition des dispositifs de contrôle en axant sa communication sur le fait d’« assainir la relation et renforcer le lien de confiance entre gendarmes et citoyens* ». Et l’affiche avec son nouveau slogan : « The future of policing is transparent. » Le programme s’articule au développement de la police d’Internet et d’un cyberespionnage étatique et industriel. Les ministères de l’Intérieur et de la Défense de nombreux pays se dotent ainsi de services liés à la surveillance, mais aussi à l’infiltration et à la répression sur le Net : technologies d’interception de mails et de SMS, de décryptage de codes et mots de passe, d’analyse de profils, logiciels espions et installation d’applications de surveillance sur les téléphones portables à travers la cryptologie mathématique…

Le panoptique policier se déploie à toutes les échelles, depuis l’espace, où se multiplient les satellites de surveillance, jusqu’au cœur de la vie humaine avec les analyses et manipulations du génome. Des ballons dirigeables chargés de « scanner le territoire » en 3D sont déjà en dotation dans plusieurs pays. Des caméras adaptables sur la tête de chiens policiers faisaient l’attraction au salon Milipol. Les IMSI-catchers, qui captent les communications à la place des antennes relais et permettent ainsi de « voir à l’intérieur » des ordinateurs, téléphones et tablettes, tiennent désormais dans des valises et équipent de plus en plus de services policiers. Dans la continuité des systèmes de reconnaissances faciale, digitale, oculaire, vocale et de la signature, la firme japonaise Fujitsu commercialise le lecteur Palmsecure, qui identifie le réseau veineux de la main. Des systèmes réalisant des portraits-robots génétiques sont déjà en fonction dans de nombreuses villes chinoises. Les technologies policières pénètrent ainsi à l’intérieur même des corps. Depuis la commercialisation des premiers tests d’identification par l’ADN en 1987, des dispositifs de reconnaissance biométriques sont désormais utilisés dans le monde entier. On a vu émerger parallèlement différents programmes de puçage électronique du vivant. Des troupeaux de brebis aux enfants de riches familles brésiliennes effrayées par les enlèvements, les puces intracorporelles dont on peut lire les données à distance se développent à grande vitesse. Dans leur sillage émergent des technologies d’implants cérébraux capables de diriger le système nerveux et des implants rétiniens agissant sur la vision. Les applications médicales légitiment ainsi le développement de nouvelles technologies qui glissent ensuite dans l’industrie militaire puis policière. Confrontées à des résistances populaires et, jusqu’ici, cantonnées à des usages thérapeutiques, ces innovations ouvrent toutefois un nouveau champ au contrôle, intracorporel et bionique.

Cette police du futur capable de voir tout, tout le temps, à travers les objets et les corps, prétend également s’emparer des temporalités en prévoyant les « actes répréhensibles ». Des capteurs biométriques repérant les taux de stress et les émotions pourraient ainsi anticiper les actions individuelles et collectives. La capacité de ces capteurs à « prédire le crime » s’impose comme l’argument marketing principal, avant même que cette technologie n’ait démontré une quelconque efficience. Aux États-Unis, la société PredPol domine ainsi le marché du logiciel « prédictif », prétendant pouvoir identifier des « zones de criminalité » à l’avance, en fonction de probabilités statistiques. Mais, selon le sociologue Bilel Benbouzid, l’algorithme du logiciel, implanté dans une soixantaine de départements de police aux États-Unis ainsi qu’au Canada et en Grande-Bretagne, fonctionne plutôt comme un outil de management permettant de rationaliser la gestion des effectifs dans les rues [21]. Dans ce cas, comme dans ceux de nombreux autres secteurs de la transformation policière, le design futuriste constitue un levier économique sans forcément impliquer une efficacité réelle. Les dispositifs de ce type, à peine rendus disponibles sur le marché, sont donc la plupart du temps très vite délaissés par les vendeurs et les acheteurs. C’est ainsi que la police de la ville de Milpitas, en Californie, a d’ores déjà rompu son contrat avec PredPol, mettant en cause les « bénéfices minimaux » au regard des coûts investis.

Ces technologies continuent toutefois d’essaimer parmi les programmes de Safe and Smart City partout dans le monde. La notion de culpabilité qui structurait le droit pénal classique est progressivement remplacée par la « dangerosité », notion prédictive « qui n’a pas à être démontrée », explique la chercheuse Laure Ortiz. « C’est une supputation, une possibilité », « la personne dangereuse, il faut la neutraliser, aussi longtemps que pèse sur elle le soupçon de dangerosité » [L. Ortiz, 8 janvier 2018, www.revue-ballast.fr/laure-ortiz-securite-a-absorbe-toutes-libertes/]. C’est bien dans ce sens que travaille Thales. En vue de « freiner le passage à l’acte malveillant », la firme propose de « déceler plus précocement la menace » en développant la « surveillance multiniveaux », le « renseignement multisources », les « sondes de confiance » et la mise en œuvre d’« alertes géolocalisées », tout en permettant de « stimuler la prise de décision, au bon moment et au bon niveau », annonce une plaquette promotionnelle. Le programme du géant mondial résume la logique à l’œuvre dans le déploiement de la société sécuritaire : « Maîtriser des environnements toujours plus complexes […] du fond des océans aux profondeurs du cosmos ou du cyberespace. »

Les marchés des catastrophes et des frontières

Évoquant des millions de morts liés à la pollution de l’air et des sols, la revue Préventique  [22] assure que « la crise écologique appelle à une vaste transition ». Selon elle, la « réponse nécessaire à ces vastes mutations » consiste dans « l’approche globale de sécurité que défendent de nombreux acteurs ». Les catastrophes liées aux ouragans Katrina, Irma et Harvey ont vu la montée en puissance de modes d’intervention militaro-policiers, mais aussi l’expérimentation de multiples technologies de contrôle déployables à grande vitesse : surveillance du territoire et des côtes, évacuations, « mises à l’abri » et internement de masse, fichage, tri et encadrement des personnes… Les polices des États-Unis et du Mexique ont tiré des conclusions sur les capacités de « résilience » des habitants durant les dévastations de 2017 afin de concevoir de nouveaux modèles de « collaboration police-population ». Juste après les tremblements de terre de septembre 2017 qui ont touché la ville de Puebla, les Mexicains ont vu débarquer des experts de défense et sécurité envoyés du Japon, de Turquie et d’Israël venus « soutenir l’assistance ». Les unités israéliennes ont « mis à disposition » des forces de l’ordre mexicaines des systèmes technologiques capables de « voir » à travers les murs grâce à des ondes à haute fréquence et qui ont l’intérêt d’être « particulièrement utiles […] pour les forces de l’ordre et l’antiterrorisme » précise la revue International Safety and Security  [23].

Le secteur du « risque climatique » est directement connecté avec le business des frontières. Le projet de mur qui doit séparer les États-Unis du Mexique prévoit des tours de surveillance, des « aérostats attachés » (ballons dirigeables), des essaims de drones et d’hélicoptères, des scanners géants à rayons X adaptés aux trains et aux camions… À la demande des chefs de patrouilles de la frontière dans la vallée du Rio Grande, le laboratoire Lincoln du MIT développe un radar laser aéroporté et automatisé (Ladar) capable de déceler des personnes dans une forêt dense  [24]. Une équipe de l’université d’Arizona intègre des données de la Nasa à un algorithme dans le but de prédire le déplacement de groupes à travers un terrain camouflé et par diverses conditions météorologiques. L’État israélien fabrique lui une clôture barbelée de six à huit mètres de haut sur soixante-cinq kilomètres à la frontière avec Gaza, équipée de caméras et de capteurs couplés à des systèmes de détection souterrains capables de repérer des tunnels jusqu’à douze mètres de profondeur. Ce Project Hourglass coordonne aussi des ballons dirigeables de surveillance et des robots-gardes autonomes sur rails circulant le long de la frontière, capables de contrôler les personnes, de délivrer des amendes et de projeter des gaz lacrymogènes. Les technologies israéliennes de contrôle des frontières sont en cours d’exportation auprès de pays sud-américains  [25]. De son côté, la Turquie adopte des dirigeables de surveillance à trois cent soixante degrés pour contrôler ses frontières avec l’Irak et la Syrie. On observe aussi l’émergence d’appareils portables d’imagerie thermique qui complètent l’équipement des forces de contrôle des frontières, mais également des surveillants d’établissements pénitentiaires ou de centres d’internement. À Calais, la « sécurisation » de la frontière franco-britannique bénéficie à une quarantaine d’entreprises réalisant des murs « intelligents », de nouveaux systèmes de drones, des scanners pour camions, des portiques et lecteurs de badge ; le contrôle humain passe lui aussi de plus en plus aux mains de firmes de sécurité privée  [26].

Le marché global des systèmes de surveillance des frontières et des côtes prévoit un taux de croissance de 6,2 % entre 2017 et 2021 selon la plateforme Research and Markets [27]. Ce marché continuera sans doute de profiter des « crises climatiques » et des conflits frontaliers, mais il devra aussi faire face à de nouvelles formes de résistances politiques mues par la nécessité de survivre.

Hégémonie et autocontrôle. Vers une population autopolicée ?

Comme chaque régime de pouvoir, la société sécuritaire recherche le consentement de la population et travaille à produire le désir de participer à la reproduction du système. États et industriels développent ainsi des moyens de susciter la collaboration de la société civile aux nouvelles formes de contrôle qui pèsent sur elle.

Il s’agit tout d’abord de rendre « fun », ludiques, ces nouvelles technologies. Au salon Milipol, des stands proposent de jouer à l’agent secret, de s’entraîner au tir instinctif en prenant en main les tout derniers prototypes et distribuent même de l’alcool fort aux visiteurs. Le dirigeant d’Axone System, qui y présentait son dernier système de surveillance, rapporte qu’il essaie de « gamifier » le monde de la sécurité. « Le jeu vidéo, c’est la plus grande industrie mondiale et il y a toute la notion de “prédictif”. On est capable de simuler le comportement humain dans des jeux vidéo, donc on s’est dit, pourquoi pas dans le monde de la sécurité ? » explique Naoufal El Ouali, le créateur du logiciel, qui a pris pour référence de grands standards du jeu vidéo comme Command & Control, GTA, Sim City ou encore Call of Duty. « On s’est dit ok, on va utiliser l’humain » résume le P-DG*.

L’esthétique joue un rôle important dans le développement des nouvelles formes de contrôle, entre recherche de design futuriste, côté industriels, et intégration dans la vie quotidienne, du coté des gestionnaires publics. Les nouvelles technologies de domotique utilisent des esthétiques enfantines ou « déco » de façon à s’intégrer dans l’habitat et à faciliter la surveillance de sa propre maison et de sa famille depuis un smartphone. Comme l’affichent les designers de Novam, l’agence d’innovation employée par Verney-Carron, l’un des objectifs principaux est la recherche de l’« empathie* » des utilisateurs.

L’une des spécificités de l’ère sécuritaire est la recherche effrénée de la prise en charge du contrôle par les dominés eux-mêmes. Il s’agit de faciliter la surveillance généralisée et d’optimiser le coût du contrôle qui ne cesse de croître pour les États et les classes dominantes. Philippe Alloncle, délégué aux coopérations de sécurité du ministère de l’Intérieur, confirme que « le citoyen est effectivement l’acteur clé, l’acteur de base de la sécurité, par sa vigilance, par sa capacité à transmettre les informations aux autorités locales, aux autorités étatiques  [28] ». Selon lui, la « police de sécurité du quotidien » devra être une « police de contact avec la population » afin de « renouer ce lien distendu ». François Mattens se réjouit : « Depuis les attentats, on ne trouve plus personne que la sécurité n’intéresse pas. […] Le rapport de la population aux enjeux de sécurité est bien plus direct et émotionnel qu’aux enjeux de défense*. » C’est sur ce principe que le Gicat intègre de plus en plus de chercheurs en sciences humaines et d’urbanistes dans ses groupes de recherche et développement. À Marseille, Caroline Pozmentier explique comment les services de sécurité vont « souvent puiser de l’expérience » en Israël : là-bas, les « citoyens sont engagés au quotidien pour la sécurité » et « constituent cette grande ressource de sécurité privée, avec des réflexes, une culture de sécurité ». Début 2018, la ville de Nice a expérimenté une application permettant à des « citoyens vigilants » de filmer les « délits et incivilités » avec leurs smartphones  [29].
Développé par la start-up israélienne Reporty, le dispositif envoie les images à un opérateur du centre de supervision urbain qui peut orienter les forces de l’ordre. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a finalement interdit l’usage de cette technologie.

Le projet de « police de sécurité du quotidien » du gouvernement Macron s’inscrit dans ce même cadre. « Défi d’ordre civilisationnel » selon le chef de l’État, il s’agirait de développer la « coaction », la « coordination » et la « transversalité » d’un « continuum de sécurité »  [30]. Philip Alloncle suggère de développer le principe des « voisins vigilants  [31] » qu’il qualifie de « bienveillance mutuelle ». Il appelle aussi à favoriser l’essor de la réserve citoyenne et de la Garde nationale. Depuis janvier 2018, un dispositif de « chasseurs vigilants » est expérimenté dans l’Oise, en appui de la police nationale. Selon les mots du président français, le « chantier de la police de sécurité du quotidien » constitue un « travail de conversion collective » dans le but de réaliser une « société de l’engagement citoyen ». Mais l’effritement de l’hégémonie de l’autorité policière et notamment l’effondrement de la légitimité des mesures « antiterroristes » lors de la contestation de la dernière loi Travail permettent de douter sérieusement de la capacité d’une société autoritaire et inégalitaire à réaliser ce fantasme de « population autopolicée ».

Les nouvelles formes de la police s’articulent avec la reproduction de ses fonctions historiques. À moins d’un changement radical de société, tant qu’il y aura de la police, celle-ci participera au maintien de l’ordre social, économique et politique, au quadrillage du territoire et des frontières, à la ségrégation et à la chasse aux « indésirables », ainsi qu’à des fonctions de contre-insurrection. Les innovations se concentrent quant à elles sur l’accélération et l’accroissement du traitement des données, la simplicité d’opérabilité, la traçabilité, la connectivité et la modularité. Elles associent des processus d’« augmentation », de robotisation, d’hybridation et de « smartification ». Elles expérimentent des moyens de tout voir et de le montrer, de prévoir, de prédire et d’anticiper, mais aussi de se rendre invisible et de s’intégrer. Elles aménagent le caractère ludique et esthétique, participatif, acceptable et désirable des nouveaux dispositifs. Cette recherche de sous-traitance civile, privée et/ou robotique dévoile pour autant une incapacité économique, politique et sociale des États à mettre en œuvre ces programmes.

Les formes que prennent la police et le contrôle dépendent finalement, encore et toujours, des résistances qu’on leur oppose. La contestation de l’ordre sécuritaire nécessite de ce fait un développement important de moyens indépendants d’enquête critique et de formation collective. Au cœur de cette problématique, les polices de demain continueront sans doute de questionner les formes de vies que nous voulons créer.

[1Les citations issues d’entretiens menés par l’auteur pendant le salon Milipol Paris en novembre 2017 sont mentionnées par des *.

[2Discours inaugural de Gérard Colomb au salon Milipol, 22 novembre 2017.

[4Préventique. Imaginer la ville résiliente, n° 155, novembre 2017, p. 76.

[5Brochure de présentation de la « Filière industrielle de sécurité », consultable sur le site www.cics-org.fr

[6Entreprise d’électronique positionnée parmi les leadeurs mondiaux dans l’aérospatiale, la défense, la sécurité et le transport terrestre.

[7C. Serfati, Le Militaire. Une histoire française, Éditions Amsterdam, Paris, 2017.

[8Sécurité et Défense Magazine, numéro spécial Milipol, n° 20, novembre 2017, p. 22.

[9nternational Safety and Security, « Scanning the landscape. Land surveillance and reconnaissance systems : concepts and experiences », mai 2017, p. 43.

[10A. Boudet, « Le premier robot policier de Dubaï entre en service : vraie révolution ou fausse bonne idée ? », 23 mai 2017, www.numerama.com

[11Homme noir de 44 ans étranglé par un policier à New York en juillet 2014.

[13 G. Frutos, « L’agent de force publique augmenté », Cahiers de la Revue Défense Nationale, décembre 2017, p. 65.

[15Ibid.

[16Table ronde Safe and Smart City, Milipol, 22 novembre 2017.

[17Ibid.

[18 Préventique. Imaginer la ville résiliente, op. cit., p. 71-72.

[19A. Picon, Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Éditions B2, Paris, 2013.

[20M. Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.

[22Préventique. Imaginer la ville résiliente, op. cit., p. 1.

[23« Israeli technology to the rescue », International Safety and Security, mai 2017, p. 48.

[24International Safety and Security, « Scanning the landscape », op. cit., p. 33.

[25Ibid., p. 35.

[27 Ibid.

[28Table ronde Safe and Smart City, loc. cit.

[30Discours du 17 octobre 2017.

[31Préventique. Imaginer la ville résiliente, op. cit., p. 67.